Les stigmata

Claudia Iddan

Freud compare le récit d'une hystérique[1] à l'aveu arraché par la torture à une sorcière que les inquisiteurs poinçonnent à répétition avec des aiguilles pour révéler les sitgmata diavoli ! La comparaison met en avant l'ancienne théorie médiévale de la possession et de l'implication du diable.

Dans sa conférence à Yale University[2] Lacan mentionne aussi les sorcières. En se référant aux "choses qui embarrassent le chemin" (d'un sujet) et qui ont affaire avec ce qui parasite sa pensée, telles que la phobie, l'obsession ou autres manifestations dans le corps comme l'hystérie, il nous dit: "Ces effets corporels, qui ont été diversements qualifiés, constituent ce qu'on pense être la même chose que ce qu'on appelait autrefois les stigmates, par lesquels on identifiait les soi-disant sorcières". Cette figure introduit l'idée du diable, mais qui est-il au juste ? Il est clair qu'il possède le corps et la pensée d'un être humain.

Le fait que Lacan évoque le terme de stigmate, c'est-à- dire de cicatrice ou marque, résonne dans ce qu'il avait dit en référence à l'ombilic du rêve comme un stigmate. Dans sa réponse à Marcel Ritter[3] il souligne qu'il s'agit d'un nœud qui est "pointable non plus à sa place même [le corps] puisqu'il y a là le même déplacement qui est lié à la fonction et au champ de la parole". Les énoncés présentent une analogie entre le stigmate corporel de l’ombilic et le stigmate symbolique, une analogie entre une "fermeture" dans le dicible et le lieu où la pulsion s'opacifie: un trou. C'est le trou de l'Un du Unerkannt, un point d'impossibilité radicale, d'opacité, qui donne la notion du refoulé primordial et qui établit donc le rapport du parlêtre à l'inconscient. Cet Un qui provient de l'Autre est le "diable", l'enfer jouissant qui possède le corps de tout parlêtre et dont l'impact laisse une marque qui ne cesse pas de ne pas s'écrire. Freud avait lu l'inconscient en écoutant les hystériques mais c'est précisément l'hystérie, la "sorcellerie" qui révèle l'étrangeté vécue par tout parlêtre d'avoir un corps où les traces de la langue s'inscrivent, laissant des cicatrices, comme des lettres de jouissance. 

 

 References


[1] Freud S., Lettres a Fliess, lettre 56, 17-1-1897

[2] Scilicet 6/7, Lacan J., Yale University, Kanzer Seminar, Editions Seuil, Paris, 1976, page 11

[3] Revue La Cause du desir N* 102, Editions Navarin, Paris, 2019, page 36.