Écrire ce qui n'est pas écrit

Natalie Wülfing

L'effet du langage sur le corps se retrouve dans les premiers travaux de Freud, où les phénomènes de conversion hystérique, de « complaisance » somatique, ainsi que le symptôme comme message basé sur l'identification, à interpréter, s'enracinent dans les signifiants de l'Autre.

La relation entre le symptôme et le signifiant a été travaillée et retravaillée sous beaucoup d'angles par Lacan, jusqu'à ce qu'elle occupe, au moment du Séminaire XX, une place dont le réel dans le langage détermine l'articulation.

 Éric Laurent, dans son ouvrage L'envers de la biopolitique, pose la question de cette façon :

« Quel est l'inconscient auquel Lacan arrive dans son dernier enseignement, qui n'est plus fondé sur l'Autre comme champ de signifiants et sur l'identification qui fait exister ce champ ? »[1]

L'accent mis sur l'indéchiffrable et l'écriture à la base d'une rencontre contingente, décomplète cet Autre comme champ de signifiants et se concentre sur l'effet perceptible de lalangue sur le corps.

Dans le séminaire XX, Lacan demande : " […] la formalisation de la logique mathématique, si bien faite à ne se supporter que de l'écrit, ne peut-elle nous servir dans le procès analytique, en ceci que s’y désigne ça qui retient les corps invisiblement ? [...] Leur écriture même constitue un support qui va au-delà de la parole, sans sortir des effets même du langage"[2]

Dans cette formulation, l'articulation du corps, du langage et de l'écriture tient compte des effets perçus dans le corps, au-delà de la parole. L'algèbre lacanienne est une écriture formelle de ces effets qui sont commémorés comme un traumatisme, l'écriture de ce qui n'est pas écrit - comme un symptôme.

Elle offre un au-delà des effets de sens du signifiant dans lequel le déchiffrage a sa prévalence et s'ouvre vers l'Un de l'infinitude, la jouissance du corps sans l'Autre.

La dimension réelle de l'inconscient correspond à lalangue et ses pures équivoques, avec lesquelles le corps déchiffre le traumatisme d'une rencontre avec ce qui ne peut être écrit.

 

Le symptôme, comme relation et nouage de l'Imaginaire, du Symbolique et du Réel, hors du sens ou de la connaissance, n'est pas un message à l’Autre et de l'Autre, non plus interprétable, mais résultat nécessaire de la rencontre du corps avec lalangue.

 

 

Traduction: Daniel Roy, Joanne Conway


Références

[1] Laurent E., L’envers de la biopolitique, Paris, Navarin – Le Champ freudien éditeurs, 2016, p.69.

[2] Lacan J., Le Séminaire, Livre XX, Encore, Paris, Seuil, 1975, p.86.tre vers « là où ça était »