Événement de corps

Anne Pigkou 

Le terme d’« événement de corps » apparaît chez Lacan dans la dernière partie de son enseignement. Il vient éclaircir le concept de symptôme analytique. Nous le rencontrons une fois dans Joyce le symptôme, où nous pouvons lire : « Laissons le symptôme à ce qu’il est : un événement de corps »[1].

J.-A. Miller nous dit que lorsque l’on parle d’événement de corps « il s’agit en fait toujours d’événements de discours qui ont laissé des traces dans le corps » [2]. Et cela parce que « le signifiant n’a pas seulement effet de signifié, mais qu’il a effet d’affect dans un corps »[3].

Au cours d’une analyse, on fait l’expérience d’événements de discours. D’une part l’analysant découvre qu’une parole qu’il a entendue pendant son enfance a représenté pour lui un événement qui a marqué son corps, et de l’autre il constate qu’au fil de l’association libre, certains mots qui émergent, sous transfert, créent tout comme le traumatisme une coupure et marquent pour lui un avant et un après dans son rapport avec son histoire.

L’événement de corps a donc affaire avec le traumatisme, les traces de coupure, l’accident. Il est dans sa nature connoté de la première fois et s’oppose « au symptôme médical qui est un fait reproductible »[4].

Dans l’analyse, nous dit J.-A. Miller, « on se soulage dans la mesure où on apprend à lire l’événement de corps. Mais il est réaliste de reconnaître qu’on achoppe toujours sur l’illisible »[5]. Cet illisible est, on peut dire, le reste de l’événement traumatique qui soutient, au cas par cas, le ton singulier du bien-dire et conduit à la fin de la cure le parlêtre vers « là où ça était »[6].


Références

[1] Lacan J., « Joyce le symptôme », dans Autres écrits, Paris, Seuil, 2001, p.569.

[2] Miller J.-A., « Biologie lacanienne et événement de corps », dans La Cause freudienne, n°44, février 2000, p. 7-59.

[3] Idem.

[4] Dewambrechies-La Sagna C., « Avoir un corps ou avoir un mur pour appui », dans La Cause du désir, no 100, p. 91.

[5] Miller J.-A., « L’orientation lacanienne. Pièces détachées », enseignement prononcé dans le cadre du 1er décembre 2004, département de psychanalyse de l’université Paris VIII, cours 25 mai 2005, inédit.

[6] « Wo Es war, soll Ich werden », Sigmund F., Vorlesung 31, Die Zerlegung der psychischen Persönlichkeit“ (1933), trad. fr. in Nouvelles Conférences d’introduction à la psychanalyse“.