Le corps dans les séances préliminaires

Dries G.M. Dulsster

Dans son séminaire ... Ou pire, Lacan (2011 [1971-1972]), discutant des séances préliminaires, souligne la présence de deux corps. Énigmatique dans un premier temps, maintenant, pour moi, cette remarque indique un changement crucial pour ce qui est en jeu dans les séances préliminaires. Comme dans le mathème du transfert (Lacan, 2001 [1967]) l'accent est mis sur le nouage d'une question épistémique et thérapeutique, Lacan précise maintenant qu'il faut aussi prendre en compte la question silencieuse de la pulsion. Ce qu'il insiste, c'est le fait que le corps de l'analyste n'est pas seulement un corps qui s'assoit sur une chaise toute la journée, mais aussi un corps qui fait partie du discours analytique ; c'est un instrument, il incarne une présence, un être là-bas. L'analyste doit pouvoir jouer avec son regard et sa voix, sa présence et son absence, pouvoir prendre la place de l'objet a. Ce qui est essentiel dans l'acte analytique, c'est que l'analyste pivote dans la position de l'objet a (Miller, 1984). En tant que tel, ce reste corporel, qui se manifeste par la présence, est essentiel pour la mise en place du processus analytique (Miller, 1995).

L'analysant met non seulement l'analyste dans la position du sujet supposé savoir, mais suppose également que l'analyste a l'objet qui provoque le désir. On ne veut pas seulement aimer un autre pour son savoir, mais aussi recevoir un objet, par exemple, un regard ou une voix de l'autre, il veut voir et être vu, parler et être parlé. Indéniablement, ces éléments de la pulsion apparaîtront déjà dans les entretiens préliminaires : après quelques séances, une analysante parle d'un rêve dans lequel elle tenait une boîte, l'ouvrant secrètement. Levant les yeux, elle me voit la regarder, se sentant soudain prise et honteuse. Le regard de l'autre avait un effet alimentant sur son désir. L'analyste entre dans l'expérience comme être (...) comme objet agalmatique, comme porteur de quelque chose dont le sujet, de son côté, est privé (Miller, 1995). En tant que tel, pour l'analyste, il ne suffit pas de soutenir la fonction de Tirésias. Comme le dit Apollinaire, il faut encore qu'il ait des mamelles (Lacan, 1973 [1964], p. 243).


 Références

Lacan, J. (1973 [1964]). Le Séminaire Livre XI. Les quatres concepts fondamentaux de la

Psychanalyse [The Seminar XI: The four fundamental concepts of psychoanalysis]. Paris: Seuil.

Lacan, J. (2001 [1967]). Proposition du 9 octobre 1967 sur le psychanalyste de l’Ecole. Autres

Ecrits. Paris: Seuil.

Lacan, J. (2011 [1971–72]). Le Séminaire XIX: ...Ou pire. Paris: Seuil.

Miller, J.-A. (1984). Cours du 11 janvier [Lesson of 11th of January]. Des réponses du réel

[Responses of the Real]. Unpublished.

Miller, J.-A. (1995). Come iniziano le analisi [How do analyses start]. La Cause Freudienne, 29,

5–11.