Une trace de Freud

Hamutal Shapira

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Un travail artistique de Susan Hiller (2005) appelé « les curiosités de Sigmund Freud » capture une «   trace  de corps »intéressante laissée par Freud. Elle fait partie d’un ensemble plus large composé de 9 impressions Iris giclées sur papier japonais fait main, à partir de huit lames de verre non répertoriées (et non publiées) du Musée Freud à Londres et une lettre écrite de la main de Freud.

C’est d’un fragment de cette lettre dont je vais parler, une marque (du corps), Freud insiste sur sa mise en valeur, que Hiller dans son génie artistique retrouve et va mettre en lumière.

Le 9 août 1882 Freud écrit  une lettre à Marta Bernays, encore sa fiancée à l’époque. On peut voir dans cette lettre que Freud a encerclée deux taches d’encre qu’il commente ainsi : « à cet endroit le stylo est tombé de ma main et a inscrit ces signes secrets. Je te demande pardon et te prie de ne pas t’embêter avec une interprétation ».

 Qu’est-ce que cette marque corporelle ? un objet tombant d’une main faisant deux marques que Freud et ensuite Hiller encercle et expose, dé-couvre.

Quelques réflexions-

Un stylo peut tomber. Freud insiste pour dé-couvrir ce « raté », il insiste pour laisser cette trace. Est-il en train d’introduire une formation de l’inconscient ? (Psychopathologie de la vie quotidienne, 1901).
Freud est très direct : Je te demande de ne pas t’embêter avec une interprétation ».

Négation ? Désir de silence ?

Il semble que Freud touche là quelque chose du réel. C’est un « lapsus du stylo ». Quelque chose qui a à voir avec la monstration d’un bout de réel, le découvrant sans le recouvrir de sens, suspendant la signification.
Déjà Freud en 1882 parie sur la jouissance.

« Ce qui ne ment pas, c’est la jouissance, la jouissance du corps parlant ».[1]

Comment comprendre ces signes secrets comme ils les appellent, qui tache la lettre en même temps que le précieux papier fait main des estampes de Hiller.

Serait-ce en rapport avec la tache ou le point de Lacan décalé dans l’image et qui donc attire l’attention sur l’écran, support invisible mais essentiel au regard comme différencié de la vue.[2]

Ou bien

Pouvons-nous dire que ça résonne avec le dire de Lacan dans le séminaire XX ? Qu’est-ce que le corps parlant ? c’est un mystère.[3]


Traduit par Jean Luc Monnier

[1] Miller J.-A. L’inconscient et le corps parlant, présentation du thème du Xème congrès de l’AMP à Rio de Janeiro.

[2]  Citation introuvable dans le texte français

[3] voir le séminaire XX citation introuvable comme telle.


Références

[1] Lacan, J., Le Sinthome. Séminaire XXIII. 18.11.1975. Paris: Seuil, 2005, p. 17.

[2] Lacan, J., L’Angoisse. Séminaire X. 22.5.1963Paris: Seuil, 2004, p. 291.

[3] Lacan, J.,, Livre IV: La relation d’objet et les structures freudiennes. Paris:  Seuil, p. 175.

[4] Miller, J.-A., “Jacques Lacan and the Voice”. In: Veronique Voruz; Bogdan Wolf, The Later Lacan. An Introduction. Albany, NY, 2007.

[5] Dolar, Mladen, A Voice and Nothing More. Cambridge, MA: MIT Press, 2006.

[6] Lacan, J., L’Angoisse. Séminaire X. 5.6.1963. Paris: Seuil, 2004, p. 318.

[7] Miller, J.-A., “Jacques Lacan and the Voice”. In: Veronique Voruz; Bogdan Wolf, The Later Lacan. An Introduction. Albany, NY, 2007, p. 144-145.

[8] Dupont, Laurent, “Formation of the Analyst, the End of Analysis”. Psychoanalytic Notebooks, Issue 36. 

[9] Laurent, Éric, “Interprétation: de la vérité à l’évènement.” Argument pour le 2020 Congrès du NLS.

[10] Miller, Jacques-Alain, “Lacanian Biology and the Event of the Body”, Lacanian Ink, Issue 18.